"J'ai eu la chance de grandir entre la belle cité bordelaise et les vallons des Pyrénées-Atlantiques. Petite-fille et nièce d'agriculteurs, j'ai fait mes premiers pas sur les routes de petits villages ruraux béarnais. Longtemps, la campagne a représenté pour moi des repas de famille interminables, des balades entre champs et forêts pleines d'aventures, de découvertes et de mystères. Le bruit du camion laitier qui passe à l'aube, l'odeur des volailles que l'on plume et celle du tank à lait que l'on nettoie faisaient partie de mon quotidien. Je me souviens de ces moments où nous enfilions les bottes, passions sous les clôtures électriques, puis courions après les bêtes pour les ramener à l'étable. Ces souvenirs sont autant de doux moments qui ont forgé mon attachement au monde rural. Ce sont surtout les petites choses que les plus anciens me transmettaient qui m'ont le plus passionnée : savoir que lorsque la chaîne des Pyrénées semble plus proche et plus claire, c'est qu'il va pleuvoir ; observer les oiseaux pour prédire un orage ; consulter le calendrier lunaire avant de planter les semis.

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Bien que côtoyant régulièrement les campagnes, j'ai longtemps eu une image idyllique de ce qu'elles étaient ou pouvaient être. Puis, j'ai grandi et observé. J'ai vu leur face cachée, tout ce dont personne ne parle par pudeur ou par honte. J'y ai vu l'alcoolisme, le célibat des hommes exploitants, les stigmates physiques des accidents du travail — les uns n'allant généralement pas sans les autres. Il y avait aussi l'isolement social, par choix ou par contrainte, et les discours sur une urbanité fantasmée. Ces observations ont soulevé de nombreuses questions : pourquoi ces hommes et femmes n'étaient-ils pas heureux dans leur travail ? Pourquoi semblaient-ils regretter leur choix professionnel ? Comment des êtres si sensibles à la nature et aux savoirs ancestraux pouvaient-ils délaisser ces valeurs pour un sac d'engrais ou de désherbant ? Attristée par l'idée que les évolutions socio-économiques puissent mener à l'extinction d'un savoir, d'une culture, d'une histoire, je me suis interrogée sur les raisons du mal-être d'une population qui, de mon point de vue extérieur, semblait avoir toutes les cartes en main pour être heureuse."

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Mais en grandissant, mon regard a changé. Derrière cette vie rurale que j’avais idéalisée, j’ai découvert ce dont on parle peu : l’isolement des hommes seuls, les gestes abîmés par les accidents, les douleurs tus, les charges trop lourdes portées en silence. J’ai entendu des regrets professionnels, des peurs de ne pas transmettre, des conflits dans les fratries, des désaccords sur les pratiques. J’ai vu des hommes et des femmes passionnés, sensibles, lucides, mais souvent enfermés dans des injonctions contradictoires : produire plus ou préserver le vivant, tenir debout ou demander de l’aide.

Ces questionnements m’ont conduite à orienter mes recherches et mon engagement professionnel vers la sociologie du travail en agriculture. Depuis plus de quinze ans, j’explore ce qui se joue dans les parcours agricoles, dans les collectifs, dans les silences. Je m’intéresse aux identités professionnelles, aux transmissions, aux tensions intergénérationnelles, aux douleurs invisibles et aux espoirs tenaces.

 

C’est avec cette volonté d’agir autrement que j’ai fondé Occurens, un cabinet de sociologie appliquée au monde agricole. J’y propose un accompagnement individuel et collectif, respectueux des réalités du terrain, basé sur l’écoute, l’analyse et la co-construction. Ni coaching, ni recette miracle : une démarche humaniste et exigeante, au service de celles et ceux qui font vivre nos territoires.

 

Aujourd’hui, je mets mes compétences au service des agriculteurs, des collectifs agricoles et des structures rurales pour qu’ensemble, nous puissions transformer les doutes en points d’appui, les tensions en espaces de dialogue, et les transitions en trajectoires choisies.

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— Élodie Jimenez, Présidente & Fondatrice du cabinet Occurens